Anne-Lise Martinent Par  0 149

Intégrer les thématiques transversales dans la construction ou l’évolution de votre certification (Décret du 6 juin 2025)

le décret du 6 juin 2025 introduit une évolution importante dans la conception et la mise à jour des certifications professionnelles, qu’elles soient enregistrées au Répertoire Spécifique (RS) ou au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP).

Chaque dossier de demande d’enregistrement (ou de renouvellement) doit désormais comporter une description de la prise en compte de quatre thématiques transversales dans la construction du référentiel de compétences :

  • les problématiques du handicap,
  • les effets de la transition écologique,
  • les effets de la transition numérique,
  • les principes de prévention en matière de santé et de sécurité au travail.

Ces éléments ne sont pas obligatoires à intégrer dans le contenu du référentiel, mais leur analyse et justification deviennent incontournables. L’enjeu n’est pas d’ajouter artificiellement de nouvelles compétences, mais de montrer que vous avez évalué la pertinence de ces thématiques au regard du métier visé. Cette évolution s’inscrit dans la continuité des exigences de qualité et d’amélioration continue portées par France Compétences. Elle vise à encourager les certificateurs à démontrer qu’ils ont analysé les impacts sociétaux, technologiques et environnementaux sur les activités professionnelles couvertes par leur certification.

Comment intégrer ces thématiques dans vos référentiels

Le handicap

Le sujet dépasse la seule inclusion des personnes en situation de handicap dans la formation. Il peut concerner :

  • l’accessibilité des produits, services ou environnements conçus dans le cadre du métier ;
  • la capacité à interagir avec des usagers ou collègues présentant des besoins spécifiques ;
  • l’adaptation des outils ou procédures pour garantir l’inclusion professionnelle.

 

Exemples concrets :

Dans une certification de designer d’expérience utilisateur (UX), la prise en compte du handicap peut se traduire par la capacité à concevoir des interfaces accessibles selon les principes du design universel. Pour un conseiller en insertion professionnelle, il s’agit de savoir identifier les relais spécialisés ou adapter les dispositifs d’accompagnement. En revanche, pour une certification de chef d’équipe en restauration rapide, la dimension handicap peut être jugée non pertinente dans les gestes professionnels, mais mentionnée dans la gestion d’équipe ou la répartition des tâches.

La transition écologique

Elle ne concerne pas uniquement les métiers « verts ». Il s’agit d’identifier comment les pratiques professionnelles peuvent :

  • réduire l’empreinte environnementale des activités ;
  • favoriser des comportements responsables ;
  • intégrer la durabilité dans la conception ou la prestation de service.

Exemples concrets : 

Pour un chef de projet événementiel, cela peut passer par la gestion responsable des ressources (impressions, transport, énergie, déchets) ou le choix de prestataires engagés. Dans une certification de responsable relation client, l’intégration du numérique responsable (éco-conception des parcours digitaux, limitation des envois automatisés) est un levier concret. Pour un chargé de communication, la question peut se poser autour de la sobriété des supports, de la cohérence des messages environnementaux, ou de la valorisation d’initiatives durables. Même si le cœur du métier n’est pas environnemental, l’impact de la pratique professionnelle sur l’environnement mérite d’être analysé.

La transition numérique

Elle ne se limite pas à l’usage d’outils digitaux : il s’agit d’évaluer comment le numérique transforme les modes de travail, de communication et de décision. Elle peut concerner :

  • la maîtrise de la donnée, de l’intelligence artificielle ou des outils collaboratifs ;
  • la cybersécurité et la gestion responsable des informations ;
  • la capacité à s’adapter à des environnements digitalisés.

Exemples concrets : 

Pour un coach professionnel, la transition numérique se traduit par la capacité à accompagner des personnes en distanciel, tout en maintenant la qualité de la relation humaine. Dans une certification de responsable de boutique, cela peut concerner l’exploitation des outils de caisse connectés, des systèmes de fidélisation ou de la vente en ligne. Pour un médiateur social, la maîtrise des outils numériques peut permettre de mieux communiquer avec les publics et institutions, ou d’identifier des signaux faibles sur les réseaux. La question n’est plus “le numérique est-il pertinent ?” mais “comment transforme-t-il la pratique du métier ?” 

La santé et la sécurité au travail

Cette thématique dépasse les métiers à risque. Elle englobe la prévention des atteintes à la santé physique et mentale, la gestion du stress, la qualité de vie au travail, et la responsabilisation collective face aux risques professionnels.

Exemples concrets : 

Dans une certification de manager d’équipe à distance, la prévention porte sur la charge mentale et la régulation des temps de connexion. Pour un technicien de maintenance informatique, la sécurité concerne la manipulation du matériel électrique et les postures de travail prolongées. Dans une certification de chargé d’accueil en structure sociale, elle peut concerner la gestion des situations conflictuelles ou agressives. Même lorsque le risque paraît faible, la prévention et la sensibilisation peuvent constituer un axe de compétence.

Et si le thème n’est pas pertinent ?

Le décret prévoit expressément la possibilité de conclure à la non-pertinence d’une ou plusieurs thématiques. Mais cette conclusion doit être argumentée et traçable. Une justification recevable doit être :

  • contextualisée (au regard du métier et de ses conditions d’exercice),
  • documentée (issue d’une analyse métier, d’un retour terrain, du conseil de perfectionnement),
  • formalisée dans le dossier de dépôt.

Exemples concrets : 

La certification vise un métier de restauration collective où les procédures sont prescrites par la réglementation sanitaire. La certification vise un métier d’exécution dont les activités sont strictement encadrées par les protocoles d’hygiène et de sécurité alimentaire (règlement CE n°852/2004, plan de maîtrise sanitaire, méthode HACCP).

Les gestes professionnels se concentrent sur la réception, la préparation, la distribution et le nettoyage dans des environnements où les pratiques sont déjà normées et prescrites. Les décisions relatives à l’approvisionnement, au choix des produits, à la gestion des déchets ou à la politique énergétique des équipements relèvent de la responsabilité de la direction de l’établissement ou du service technique, et non des agents eux-mêmes.

Par conséquent, les effets de la transition écologique — bien que présents dans l’environnement global du secteur (lutte contre le gaspillage alimentaire, circuits courts, réduction des consommations d’eau et d’énergie) — n’ont pas d’incidence directe sur les compétences opérationnelles évaluées dans cette certification. Ces thématiques sont en revanche abordées dans le cadre des actions de sensibilisation et de formation continue conduites par les employeurs, conformément aux obligations réglementaires internes et aux politiques RSE des structures de restauration collective.”

Pour les certifications déjà enregistrées : rôle du conseil de perfectionnement

Le décret s’applique aussi indirectement aux certifications déjà actives dont les potentielles évolutions du référentiel seront proposées lors du prochain renouvellement. Le conseil de perfectionnement devient l’espace privilégié pour ouvrir la réflexion. Lors de ce rendez-vous annuel, il est recommandé de :

  • inscrire à l’ordre du jour une analyse de pertinence des quatre thématiques ;
  • documenter les échanges dans le procès-verbal ;
  • identifier les évolutions souhaitables pour le prochain renouvellement du dossier.

Cette démarche démontre que le certificateur exerce une veille active et qu’il anticipe les attentes de France Compétences.

à retenir :

  • ce n’est pas une obligation d’intégrer, mais une obligation de réflexion et de justification,
  • le niveau attendu est celui d’une démarche raisonnée, argumentée et traçable,
  • ces thématiques sont aussi une opportunité de renforcer la crédibilité et la modernité de votre référentiel.